• 13/09/2022
  • Par binternet
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Secouée, chahutée, mais libérée, la mode se réinvente déjà<

La scène est digne d'un film de Stanley Kubrick, entre Barry Lyndonet Eyes Wide Shut. Une sorte de 2020 : l’Odyssée de la mode. Avec une touche de folie joyeuse comme dans les clips de Jean-Paul Goude. Dans la nuit du 28 avril à Amsterdam, tandis qu’un bateau glisse sur l’eau avec une créature vêtue de dentelles blanches à son bord, des mannequins apparaissent aux fenêtres de la forteresse de l’Hôtel de l’Europe. Vêtues de robes couture, elles portent des masques et brandissent un drapeau blanc.

La performance est signée du créateur Ronald van der Kemp. Pour marquer la fin du confinement aux Pays-Bas, ce chantre de la création durable a organisé ce happening sans annonce préalable. L’idée ? Délivrer une note d’espoir tout en s’interrogeant sur le futur de la mode. «Avant que le monde ne retourne au monde d’avant, celui de la surproduction, des vêtements jetables et de l’hypertrophie des collections, reconsidérons les pratiques», martèle-t-il.

En vidéo, face au coronavirus, l'industrie de la mode se mobilise

Un choc sans précédent

Après la sidération, les interrogations, les bouleversements liés à la pandémie du coronavirus, la mode retrousse ses manches. Comment se profilent les jours d’après ? Difficile à dire mais une chose est sûre : ils ne seront plus les mêmes. Si les messages pour une mode meilleure et une reconsidération du secteur se multiplient chez tous ses acteurs - de Ronald van der Kemp à Giorgio Armani, qui, dans une lettre ouverte adressée en avril au magazineWWD, s’est dit prêt à mettre fin au système actuel -, la fashion sphère est unanime sur un point : elle a vécu un choc et les épreuves à surmonter ne seront pas aisées.

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Les créateurs de mode ont dû s’adapter, gérer, réagir vite face à l’annulation des commandes et la fermeture des usines. Ils ont dû faire preuve d’agilité pour imaginer leurs collections futures avec leurs équipes de travail en rangs dispersés. Tous ceux que nous avons interviewés pendant cette période l’affirment : ils ont dansé au bord du précipice, puis ont pris un temps de réflexion pour mieux remonter sur le ring. Mais pas n’importe comment. Car, pour la première fois de leur carrière, ils ont aussi ralenti leur rythme de vie et pu s’interroger sur l’avenir de leur métier. De New York à Paris, en passant par Milan, ces créatifs qui défilent tous dans le calendrier des Fashion Weeksapportent des pistes de réflexions qui trouveront (peut-être) un aboutissement dans les mois à venir.

Les plus beaux looks repérés à la Fashion Week de Paris en street style

Les plus beaux looks repérés à la Paris Fashion Week en street styleVoir le diaporama18 photos

Des ventes en chute libre

Pour la première fois aussi de son histoire, la filière entière - des grandes enseignes aux maisons du luxe, des designers aux artisans, des studios aux sites de production - a été mise à l’arrêt. «Cette crise est inédite par son ampleur - elle touche le monde entier - et sa puissance d’arrêt, analyse Serge Carreira, spécialiste du luxe et maître de conférences à Sciences Po Paris. Cela n’a jamais été le cas pendant les deux guerres mondiales du XXe siècle. Certaines maisons avaient fermé, mais d’autres étaient restées en activité et les usines de laine tournaient même à plein régime pour habiller l’armée.» Et même si quelques sites de production des grandes maisons ou autres entreprises de textile se sont reconvertis pendant le confinement dans la fabrication de masques, il faudra en moyenne 7,5 mois au secteur pour retrouver un niveau d’activité normal (1).

Secouée, chahutée, mais libérée, la mode se réinvente déjà

Comment cette industrie du luxe sortira-t-elle de ce confinement sans précédent ? L’impact négatif du coronavirus sur les ventes du secteur mode en France est édifiant : -53 % en mars et -85, 5 % en avril, ventes en ligne comprise (2). Fin mars, le cabinet Bain & Company présageait aussi un recul de 25 à 30 % des ventes au premier trimestre pour l’ensemble du secteur du luxe. «Le choc économique, même s’il est important chez les grandes griffes de mode, sera plus facile à gérer pour elles que pour la jeune création, avance Serge Carreira, car elles manient l’ensemble de leurs chaînes de production, possèdent leurs propres réseaux de boutiques et peuvent donc ajuster leurs niveaux de stocks et de commandes en fonction des événements.»

En vidéo, l'industrie de la mode en 12 chiffres

Des défilés en mode digital

Quant aux prochaines Fashion Weeks masculines qui devaient se tenir ce mois-ci, elles auront bien lieu, mais sur un écran. À Paris, la Fédération de la haute couture et de la modelancera une plateforme digitale d’expressions libres - défilés, performances, interviews, films - du 9 au 13 juillet. Londres (à partir du 12 juin) et Milan (du 14 au 17 juillet) auront aussi leurs plateformes dédiées, fusionnant pour l’occasion prêt-à-porter masculin et pré-collections féminines.

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Quid de la haute couture qui fait traditionnellement rayonner la Ville lumière en janvier et juillet ? «Elle se déroulera online,du 6 au 8 juillet, précise Pascal Morand, président exécutif de la Fédération de la haute couture et de la mode, avec un principe identique à celui de la Fashion Week masculine, mais avec un accent spécifique sur le savoir-faire inhérent à la haute couture. C’est une grande première et un véritable challenge que nous allons réussir tous ensemble.»

Vers une nouvelle saisonnalité ?

Restent encore de grandes inconnues : quelles maisons participeront à ce calendrier digital et que vont devenir les Fashion Weeks suivantes ? Saint Laurent a d’ores et déjà annoncé décider de son propre agenda en 2020. Alessandro Michele a également annoncé sur Instagram un changement radical du calendrier Gucci, qualifiant les saisons existantes de dépassées, et le rythme de nouveautés constant, de tyrannique. Son nouveau tempo ? Deux défilés par an uniquement. On a aussi vu fleurir post-confinement des manifestes ou lettres ouvertes de créateurs indépendants, de PDG et d’acheteurs de grands magasins appelant le secteur à un changement durable et à une nouvelle temporalité des saisons. Autre interrogation : si la digitalisation des podiums s’accélère, comment retranscrire l’émotion d’un défilé physique ? Parions que le secteur de la mode, toujours en avance d’une saison, saura répondre à ces brûlantes questions.

(1) Selon 28 hauts dirigeants de grandes marques de luxe interrogés par le cabinet d’analystes Bernstein et la société de conseil Boston Consulting Group

(2) Chiffres de l’Institut français de la mode

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