(Ecofin Hebdo) - La vie a parfois la trame d’un match de foot. On fait face aux incertitudes d’une occasion manquée, avant de devenir l’homme providentiel et d’accomplir une destinée en or. En troquant les crampons contre les costumes et les terrains de foot contre les arènes politiques, George Weah n’a pas échappé à l’adversité. S’il a réussi à devenir l’unique africain titulaire du ballon d’or, l’enfant de Monrovia, pourtant tout près du but, rencontre d’énormes difficultés à devenir président de son pays.
La vie a parfois le goût d’un penalty manqué dans les dernières secondes. Cette sensation, tout grand attaquant qu’il est, George Weah la connait. Pourtant, son équipe menait en première partie, lors du premier tour des élections présidentielles libériennes de 2005 qu’il termine en tête. Malgré tout, c’est la candidate arrivée deuxième au premier tour, Elen Johnson Sirleaf qui remporte les élections. La légende vivante du football doit alors faire face à une des défaites les plus amères de sa vie, longtemps rythmée par la compétition.
Cette fois, il affronte Joseph Boakai, mais le spectre de sa précédente défaite continue de planer sur ce second tour.
On peut alors imaginer le mélange de peur et d’excitation que ressent le seul Africain à avoir remporté le ballon d’or européen, actuellement, à quelques jours du deuxième tour des élections présidentielles où il est arrivé en tête. Cette fois, il affronte Joseph Boakai, mais le spectre de sa précédente défaite continue de planer sur ce second tour.
Mister George
La vie a parfois le goût d’un magnifique dribble réussi. Le mardi 26 décembre 1995, les fans du foot du monde entier retiennent leur souffle. Ils attendent le numéro 2594 de France Football pour connaître le nom du meilleur joueur du monde, le fameux ballon d’or. Cette édition connait un changement majeur. Pour la première fois, les joueurs européens ne sont pas les seuls à pouvoir prétendre à la plus prestigieuse récompense individuelle du sport roi. En cette année 1995, il y a bien un joueur non européen qui pourrait…mais non. C’est trop fou, même les plus grands rêveurs ont du mal à imaginer George Weah remporter cette distinction.
La vie a parfois le goût d’un magnifique dribble réussi.
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— bee time Fri Nov 08 00:12:33 +0000 2019
Entre le Paris Saint Germain et le Milan AC, les deux équipes pour lesquelles a joué l’enfant de Monrovia, le libérien a affiché un niveau stratosphérique. Il est meilleur buteur de la ligue des champions avec le PSG, avant de s’envoler au Milan AC, où il fera également étalage de sa panoplie de footballeur complet. Et ce but contre la Lazio où il élimine toute la défense romaine avant de tromper le gardien adverse ! Oui il a conquis le cœur des amateurs de foot, mais de là à ravir le Saint Graal des récompenses individuelles du Football, il y a tout un chemin. Et pourtant ! A l’ouverture des kiosques, casquette noire sur la tête, souriant jusqu’aux oreilles, George Weah trône trophée en main sur la couverture de France Football aux côtés du ballon d’or. C’est un tour de force majeur que vient de réaliser l’enfant de Monrovia qui devient le 40e ballon d’or. A 29 ans il est élu avec 144 points, au détriment de l’Allemand Jürgen Klinsmann (108 points) et du Finlandais Jari Litmanen (67 points).Celui que tout le monde surnomme Mister George est au sommet de l’Europe du foot, loin de Monrovia et de la vie difficile de son enfance.
L’enfant de Monrovia
Né à Monrovia 1er octobre 1966, le 40e ballon d’or, à l’état civil George Manneh Oppong Weah, n’a pas connu une enfance idyllique. « Quand je grandissais à Monrovia, j’ai vendu des beignets et du maïs soufflé, tous les jours après l'école, pour que ma famille aie un peu d'argent et que je puisse payer mes frais de scolarité », révèlera-t-il des années plus tard. Sa famille est pauvre dans une simili-nation dont l’économie trouve à peine ses marques. Malgré tout, le jeune George Weah caresse un rêve, devenir footballeur. Il y arrive en débutant dans son club formateur, le Young Survireal Clara Town (1981-84). Son impressionnant sens du but et une finesse technique surprenante pour un joueur arborant 1m84, le font petit à petit connaitre sur la scène libérienne, régionale puis continentale. George Weah part de son club formateur pour le Bongrange Company de Bongume, le Mighty Barolle, l’Invincible Eleven avant de quitter les terrains libériens pour les pelouses camerounaises et le Tonnerre Yaoundé, où il partagera les terrains avec un certain Roger Milla. Néanmoins, le talent de l’enfant de Monrovia semble toujours trop grand pour le continent. Il rejoint l’AS Monaco en 1988. Ayant perfectionné les qualités affichées dans ses précédents clubs, George Weah impressionne. A la fois joueur solide et buteur virevoltant, il remporte, avec le club, la coupe de France 1991, et conduit ses coéquipiers en finale de la Coupe des coupes 1992, où Monaco perd face aux allemands du Werder de Brême. Quelques semaines plus tard, l’attaquant libérien rejoint le Paris Saint-Germain. Il joue pour le club de la capitale jusqu’en 1995. Il rejoint ensuite le Milan AC. La suite, appartient à l’histoire. Celui qui reste jusque-là le seul Africain ballon d’or européen rejoindra ensuite plusieurs clubs avant d’arrêter sa carrière en 2003. Il décide alors de se consacrer à son pays.« Je sais que j’ai fait une carrière réussie, une vie réussie. Si je reste assis et que je dis: « Écoutez, j'ai une vie confortable », etque je ne pense qu’à moi-même ce ne serait pas juste. Ce serait très égoïste», explique le buteur qui, à cause de son enfance difficile, a une idée bien précise des problèmes du Liberia. « Environ 80% des Libériens sont au chômage et la moitié des enfants vont à l'école primaire. Seulement un sur 20 va à l'école secondaire. Les jeunes sont dans la rue plutôt que dans les salles de classe. Nous ne leur donnons pas l'occasion d'apprendre et ils auront du mal à trouver un emploi quand ils grandissent ».
Mister President ?
En 2005, George Weah perd les élections présidentielles face à Ellen Johnson Sirleaf, qui remportera en 2011 le prix Nobel de la paix. Son aura acquise sur les terrains et sa popularité lui avaient pourtant assuré la première place lors du premier tour. Les problèmes sont apparus lors du second tour, lorsque la question s’est posée de savoir ce que pouvait apporter le footballeur de légende en tant que président. Après la défaite, qui manque de dégénérer en guerre civile, George Weah joue la carte de l’apaisement. Une fois ses partisans calmés, il s’intègre petit à petit dans la vie politique du pays.
En 2014, il est élu sénateur de Monrovia avec 78% des voix devant Robert Sirleaf, le fils de la présidente.
En 2014, il est élu sénateur de Monrovia avec 78% des voix devant Robert Sirleaf, le fils de la présidente. Tout naturellement, il se présente aux élections présidentielles en 2017. Plus connu des cercles politiques et plus impliqué dans son pays, il termine à nouveau le premier tour des élections en tête. Peut-être que cette fois, en dépit de la crainte mal dissimulée d’un nouveau camouflet, la vie aura-t-elle le goût d’un ballon d’or, d’une consécration suprême venant récompenser au bout de l'effort le refus d’abandonner d’un éternel compétiteur.
Servan Ahougnon