• 24/09/2022
  • Par binternet
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A l’Opéra de Paris, Gustavo Dudamel et Robert Wilson offrent le sacre de la « Turandot »<

La musique est à peine retombée que le public, dressé, jette une clameur d’enthousiasme : Gustavo Dudamel vient de diriger, samedi 4 décembre, avec la Turandot de Puccini mise en scène par Robert Wilson, le premier ouvrage lyrique de son mandat de directeur musical de l’Opéra de Paris. Un rite de passage qui a confirmé tous les espoirs soulevés en 2017 dans ce même Opéra Bastille par le succès de La Bohème, déjà de Puccini – on dit qu’il aurait accéléré la décision d’engager le chef d’orchestre vénézuélien à la succession de Philippe Jordan. Le maestro aux bouclettes brunes, désormais partiellement lasurées de blanc, patron du prestigieux Orchestre philharmonique de Los Angeles, assoit ainsi sa position à la tête de l’institution.A l’Opéra de Paris, Gustavo Dudamel et Robert Wilson offrent le sacre de la « Turandot » A l’Opéra de Paris, Gustavo Dudamel et Robert Wilson offrent le sacre de la « Turandot »

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Acérée, dévorante, mais aussi souple et puissamment effusive, la baguette fauve de Dudamel a de la vision et du souffle, capable de couvrir une partition qui va de l’intimisme à la quasi-grandiloquence. Une inspiration communicative : l’Orchestre de l’Opéra, inventif et virtuose, de même que les chœurs, impressionnants en dépit de quelques décalages avec la fosse, témoignent du beau travail réalisé par la nouvelle chef, Ching-Lien Wu. A 80 ans depuis le 4 octobre, Robert Wilson, assis au fameux rang 13 de l’Opéra Bastille, semble pétri d’éternelle jeunesse. A l’instar de son théâtre ritualisé, vertige d’infini et de silence, de géométries et lumières coupées de hauts panneaux sombres coulissant telles des lames. Vingt-huit ans après sa Madame Butterfly – Puccini déjà, mais le Japon, pas la Chine –, l’Américain à Paris s’impose en grand maître du temps et de l’espace.

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Certes, la production de cette Turandot, créée en 2018 au Teatro Real de Madrid (transposée en DVD en 2020 chez Bel Air Classiques), a été reprise sur la scène de la Canadian Opera Company de Toronto où officiait alors un certain Alexander Neef, qui n’était pas encore le directeur de l’Opéra de Paris. Mais l’œuvre semble avoir été pensée pour le vaste plateau de Bastille, avec sa multitude de choristes en costumes d’époque – foule en habits noirs, aptes à se fondre dans l’obscurité, garde impériale en magnifiques armures de samouraïs, somptueuses tenues de cour des mandarins et savants.

A l’Opéra de Paris, Gustavo Dudamel et Robert Wilson offrent le sacre de la « Turandot »

L’histoire de cette princesse orientale, qui, telle une sphinge, fait couper une à une les têtes de ses prétendants soumis à l’épreuve initiatique de trois énigmes, s’inscrit naturellement dans la geste wilsonienne, sa direction d’acteur hiératique et codifiée, héritière du nô, son statisme hypnotique, l’absence d’interaction directe entre des personnages figés au proscenium dans un face-à-face avec le public. Tour à tour exhibés des limbes ou y replongeant, les personnages oscillent, tremblent, tournent sur eux-mêmes, traçant des chorégraphies de signes. Aux antipodes, la mort de Liu, la tête s’inclinant sur l’épaule, dans une grâce fragile et poignante, et l’éclatante et monumentale arrivée de Turandot, silhouette rouge en lévitation sur une vertigineuse passerelle mobile à quelques mètres du sol.

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