• 11/12/2022
  • Par binternet
  • 312 Vues

Consommation : le marché du luxe conforte son expansion en Afrique Un nouveau terrain de jeu pour les créateurs africains<

L’émergence d’une classe aisée en Afrique subsaharienne fait le bonheur des enseignes haut de gamme, bien décidées à combler les envies de faste de cette clientèle exigeante.

Ces dernières années, l’Afrique subsaharienne se laisse doucement séduire par les produits de luxe, voire d’hyper-luxe. De la haute joaillerie au prêt‑à-porter en passant par la haute horlogerie, la parfumerie, les vins et spiritueux ou encore les bolides dernier cri, les enseignes internationales les plus prestigieuses comptent désormais sur une clientèle africaine dont le train de vie et les revenus donnent le tournis : 145 000 d’entre eux disposent d’actifs s’élevant à 1 million de dollars minimum (environ 850 000 euros).

Ces High Net Worth Individuals (HNWI) seront près de 198 000 sur le continent en 2026. Sans oublier bien sûr la trentaine de milliardaires et les 7 000 UHWNI, ces « ultra-millionnaires » dont les actifs financiers sont supérieurs à 30 millions de dollars. Ces fortunes sont généralement issues du secteur privé : pétrole, immobilier, bâtiment, énergie, transports, finance, tourisme ou télécommunications. À ces clients au phénoménal pouvoir d’achat s’ajoute une classe moyenne en forte croissance, une population jeune et dynamique et une élite connectée.

En 2016, le secteur du luxe en Afrique a généré 5,9 milliards de dollars, soit environ 3 % du marché mondial. Un chiffre qui, dans les cinq années à venir, devrait progresser de 30 %. « Le luxe ne concerne pas seulement les produits finis mais aussi l’art de vivre, avec la fréquentation croissante des hôtels étoilés, des palaces ou encore l’acquisition de jets privés », précise Coralie Omgba, ancienne gestionnaire de fortune, fondatrice du site Magnates Place et spécialiste du marché du luxe en Afrique.

Arrivée des grandes marques

Ces dix dernières années, les grandes enseignes de luxe ont été de plus en plus nombreuses à s’implanter physiquement en Afrique. Sur le continent, des concessions Porsche ont ouvert en Afrique du Sud, au Kenya, en Égypte, au Nigeria, en Angola, au Maroc et à Maurice (où le nombre de HNWI a augmenté de 20 % entre 2015 et 2016). Les autres constructeurs automobiles de luxe tels Ferrari, Bentley, Rolls-Royce ou Lamborghini sont essentiellement présents en Afrique du Sud. C’est d’ailleurs dans ce pays que le luxe génère le plus de revenus, avec 2,3 milliards de dollars en 2016, devant le Kenya, le Nigeria et l’Angola.

Sur l’ensemble du continent, le Maroc et l’Égypte représentent les champs d’activité les plus stables, mais « la Tanzanie et le Botswana sont également des foyers à millionnaires dont on entend très peu parler », selon Coralie Omgba. Des griffes de luxe comme Hugo Boss, Gucci, Prada, Jimmy Choo ou Dolce & Gabbana viennent également d’ouvrir leurs boutiques sur le continent.

Consommation : le marché du luxe conforte son expansion en Afrique Un nouveau terrain de jeu pour les créateurs africains

« D’autres marques, plus frileuses mais conscientes de ce marché en pleine expansion, préfèrent passer par des corners ou des boutiques, auxquels elles attribuent des licences pour la distribution de leurs produits », poursuit la spécialiste du secteur. Parmi ces marques, le créateur Christian Louboutin, les horlogers Rolex ou Ulysse Nardin, le joaillier Chopard ou encore la marque de haute couture Balenciaga. Les malls qui ont vu le jour à Lagos, Accra ou Abidjan abritent également des boutiques multimarques.

Manque d’infrastructures

La boutique Yuxe West Africa, fondée en 2015 et dirigée par Yamousso Thiam, est située dans la galerie marchande de l’hôtel Ivoire d’Abidjan. Elle propose cinq marques de joaillerie et d’horlogerie : Cartier, Poiray, Piaget, Panerai et IWC Schaffhausen. « Ma clientèle est très majoritairement ivoirienne. Il s’agit de femmes actives âgées de 30 à 60 ans. Les hommes, eux, se déplacent pour les grandes occasions, pour faire plaisir à leurs épouses », indique Yamousso Thiam, qui compte prochainement décliner sa boutique dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest tout en étoffant son panel de marques.

« Les principaux noms de la haute horlogerie ont très bien compris qu’un Ivoirien ne va plus forcément en Europe pour s’offrir un produit de luxe », reprend Coralie Omgba. Le secteur s’affirme majoritairement, pour l’instant, en Afrique anglophone, « où l’argent n’est pas un tabou. Les gens y sont plus démonstratifs qu’en Afrique francophone, où l’on préfère rester plus discret. Le dynamisme économique n’est évidemment pas le même non plus », analyse-t‑elle encore.

Seule Abidjan se hisse au niveau des grandes métropoles anglophones du continent en matière de classe moyenne émergente et de croissance économique. Pour Coralie Omgba, le marché souffre, en Afrique subsaharienne, d’« un manque d’infrastructures déterminant dans l’implantation du secteur. Les Africains vivent majoritairement le shopping comme une expérience. Aussi, si 80 % d’entre eux se rendent en Europe ou aux États-Unis, l’Afrique du Sud et Dubaï restent des destinations privilégiées. Un Africain se sent plus proche d’un émirati que d’un Parisien », estime encore l’experte.

S’il relève les nombreux défis économiques qui l’attendent encore, le continent pourrait être en mesure, dans les années à venir, d’accueillir d’autres grandes enseignes, parmi lesquelles les marques de prêt‑à-porter Chanel, Hermès, Dior, L.K. Bennett, Canali ou Mulberry. De telles arrivées devraient doper encore un secteur aussi émergeant en Afrique que la classe moyenne.


Le secteur du luxe est devenu un terrain de jeu pour les créateurs et entrepreneurs africains. Le multimillionnaire Alexander Amosu, designer britannico-nigérian, s’est fait un nom en customisant des biens de consommation pour en faire des produits de luxe : une bouteille de champagne en or et diamants à 1,8 million d’euros, un BlackBerry serti de diamants à plus de 22 000 euros, entre autres créations.

L’Anglo-Sierra-Léonaise Satta Matturi, ancienne salariée du conglomérat diamantaire sud-africain De Beers, s’impose en haute joaillerie. La marque qui porte son nom est présente en Afrique du Sud, au Nigeria, au Botswana, en Sierra Leone, mais aussi à Londres. Également passée par De Beers, la Bissau-Guinéenne Vania Leles a créé dans la capitale anglaise l’enseigne Vanleles Diamonds. Dans la cosmétique, la marque Epara de la Nigériane Ozohu Adoh séduit notamment des clientes établies au Kenya et au Nigeria.

Du thé au wax

Il faut également goûter aux thés de luxe proposés par la maison Yswara, lancée en 2012 par la Franco-Ivoirienne Swaady Martin-Leke. Installée en Afrique du Sud, la marque compte également des points de vente en Côte d’Ivoire, au Nigeria et en France.

Autre exemple à suivre : la griffe du Gabonais Dominique Siby, Felio Siby, présente dans le stylisme, la maroquinerie et la haute horlogerie. établi à Miami, ce dernier travaille avec une clientèle africaine ultrariche répartie entre le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, l’Angola et le Congo. À l’instar de ces acteurs, le fabricant de wax néerlandais Vlisco mise sur ses ambassadeurs, tous stylistes africains renommés, pour faire de ses tissus de véritables pièces de collection.