• 14/09/2022
  • Par binternet
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Versailles : le décryptage des costumes avec sa créatrice, Madeline Fontaine<

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Publié le

par Marion Olité

Elisa Lasowski (Marie-Thérèse), George Blagden (Louis XIV), Anna Brewster (Montespan), Noémie Schmidt (Henriette)

Biiinge a rencontré Madeline Fontaine, la créatrice des costumes de la royale série Versailles, actuellement diffusée sur Canal +. Décryptage.

Lancée lundi 16 novembre sur Canal +, Versailles resplendit notamment grâce à ses décors, signés Katia Wyszkop et ses somptueux costumes, imaginés par Madeline Fontaine et son équipe. Présidente de l' Association française des costumiers du cinéma et de l'audiovisuel (AFCCA) et détentrice de deux césars (pour Un long dimanche de fiançailles et Séraphine), la chef costumière a travaillé pendant près d'un an sur les tenues de luxe de Louis XIV et son entourage, avec l'appui d'une trentaine de personnes dans les moments de rush.

Elle commente les tenues portées par les personnages principaux de la série, ainsi que les tissus méticuleusement choisis pour servir de base aux robes que vous voyez à l'écran.

Louis XIV

"Sur le roi, j'étais liée à l'or, le bleu et le rouge. Ce costume, à base de soie bleue et or, est inspiré de ce qu'était réellement le justaucorps royal. Il a même donné naissance à un brevet spécifique, accordé à une dizaine de happy fews de Louis XIV. Ils avaient le droit de porter les mêmes broderies que le roi."

"Pour la petite histoire, Colbert a du promulguer une interdiction contre ces broderies, car un grand nombre de pièces d'or et d'argent étaient fondues pour en faire du fil. On est partis sur des rubans et des frous-frous pour compenser."

"Le bleu roi est une couleur évidemment très présente, et très difficile à obtenir. On ne l'appelle pas comme ça par hasard. C'est une couleur rare et précieuse."

©Thibault Grabherr pour Canal+

Henriette, dite "Madame" (femme de Philippe, amante de Louis XIV)

"Dans la série, l'intrigue raconte que Henriette a grandi avec Louis et Philippe. Les trois se connaissent depuis toujours. Dans les livres d'histoire, on sait seulement qu'elle a eu une relation avec le roi. Dans notre série, Henriette les aime tous les deux. Il y a des couleurs en triangle, qui appuient sur leur trio. Il faut que cela se voit visuellement."

©Thibault Grabherr pour Canal+

Philippe, dit "Monsieur" (le frère du roi)

Versailles : le décryptage des costumes avec sa créatrice, Madeline Fontaine

"Il se situe forcément par rapport à Louis. Il porte des couleurs plus guerrières. Il fallait retranscrire cette hésitation entre une féminité évidente et une aspiration guerrière. Ce costume est similaire à celui de Louis XIV mais en version argentée et moins clinquante. Monsieur porte des tons argents et des noirs."

©Thibault Grabherr pour Canal+

Madame de Montespan

"La Montespan est dans une gamme très nettement colorée, dans des bronzes, des bruns et des cognac. Cette palette lui sied très bien au teint et permet de situer immédiatement le personnage. J'ai essayé de rester sobre côté accessoires. Montespan louait des diamants aux dames de compagnie bien placées, pour en avoir un maximum sur elle lors des soirées mondaines."

©Thibault Grabherr pour Canal+

Chevalier (l'amant de Philippe)

"Il est dans la sophistication, avec des couleurs bleues, et une pointe d'or de temps en temps. Il fonctionne en complément des couleurs de Monsieur, son amant de trente ans."

©Thibault Grabherr pour Canal+

Béatrice (la cousine de Chevalier)

"Elle porte une robe sang. C'est un personnage sombre et double. Elle est charmante et ravissante, en même temps, elle intrigue. Elle porte des tenues rouge carmin, bordeaux, noires... Ca rehausse son teint et sa personnalité intrigante. J'aime donner des couleurs aux personnages qui les identifient, et font qu'on reconnaît des ambiances différentes."

©Thibault Grabherr pour Canal+

Les tissus

©Leila Moghtader/Canal+

"On a un tissu piqué qui sert à faire un jupon, appelé la discrète. Il soutient par son volume la forme des soies plus légères qui se trouvent au dessus. Il y a aussi des friponnes, la jupe que l'on met sur le jupon qui est toute légère. L'ordre était la secrète, la friponne et par dessus la discrète qui venait tenir le corps et s'ouvrait légèrement."

"On a ici une soie brochée sur fond doré et gris, qui a servi pour une jeune femme qui se fait attaquer dans sa diligence. Le costume a été crée en plusieurs exemplaires. Pour travailler à l'économie, on a réalisé plusieurs petits caches sur le haut, pour ne pas avoir à refaire la robe."

©Leila Moghtader/Canal+

"Ces matières sont riches, car destinées à être filmées en gros plans quand ces demoiselles se retrouvent en jupe ou en jupon. Vous avez deux petits damassés en soie qui ont une belle présence à l'image. La caméra les aime. Le dernier tissu, une soie brochée, vient d'Hermès, et avait une vibration dans la matière que j'aime beaucoup."

©Leila Moghtader/Canal+

"Pour trouver tous ces tissus, je suis passée par des grossistes. Après, il y a de petites choses qui viennent des antiquaires. Sur les justaucorps des hommes ou les robes des femmes, on a cherché la petite broderie qui va faire vibrer l'Histoire. C'est un travail de puzzle en somme."

©Leila Moghtader/Canal+

"On a aussi utilisé du tissu très ancien. Certains viennent d'une église. Un ami, qui a travaillé longtemps à la Comédie Française, s'est occupé des costumes du roi. Il a sorti ce tissu de ces placards quand il a été question de faire un costume de danse pour le roi, doté de fils d'or.

"C'est une base sur laquelle on a ajouté des motifs en latex de rayons de soleil, des pierreries."

©Leila Moghtader/Canal+

"C'est un vrai tissu d'origine, extrêmement riche. Il est contemporain et a servi pour une des robes de Montespan. Avec ses broderies or, il donne la sensation d'avoir été brodé il y a longtemps. Il possède une vrai richesse dans sa masse. J'ai beaucoup cherché ce genre de tissu."

©Leila Moghtader/Canal+

Trois questions à Madeline Fontaine

Biiinge | Que pensez-vous du résultat de votre travail à l'écran ?

Madeline Fontaine | J'ai vu le premier et le septième épisode de Versailles. Je focalise toujours sur les défauts. S'il y a quelque chose de travers, je ne vois que ça (rires) ! La série est riche, mais j'ai toujours envie que ce soit parfait. Certains costumes ont été réalisés à géométrie variable, c'est-à-dire qu'il faut arriver à le faire porter à la fois par une elfe qui ne fait pas un 38, et par le roi. On a passé pas mal de temps pour trouver l'astuce. Au final, la petite elfe a été coupée, et j'ai vu que le roi avait un costume un petit poil trop court. C'est agaçant !

Avez-vous déjà retrouvé vos costumes dans d'autres films ou séries ?

Oui, et ça me dérange, non pas par sentiment de propriété. Je me souviens d'avoir travaillé sur un film de Michel Deville, Un monde presque paisible, qui se passait après la première guerre mondiale. On avait fabriqué une robe pour Zabou Breitman, qui travaillait dans un atelier du sentier. Ce film est resté confidentiel. En revanche, je suis retombée sur cette robe portée par deux comédiennes dans des rôles principaux, sur deux films qui se sont beaucoup vus.

Ca ne fonctionne pas comme ça pour moi. Qu'est ce que ça veut dire de retrouver une robe portée dans trois films différents ? Pour moi, ça ne les rend pas crédibles. Maintenant, avant de les donner, je change des petites choses, la couleur ou l'agencement, pour qu'on ne les reconnaisse pas.

Vous travaillez déjà sur la saison 2 de Versailles, annoncée par Canal + ?

La saison 2 se met en place. On va voir si je repars. L'époque change. Ce ne sera pas plus facile contrairement à ce que l'on peut penser. Le seul avantage, c'est qu'on a une base au niveau des comédiens. Mais la clé dans ce métier, c'est de savoir anticiper. Et la tendance actuelle est de donner les scripts au dernier moment. Si on a les histoires écrites et qu'on peut se projeter globalement, savoir où seront les scènes de batailles par exemple, on fera beaucoup d'économies.

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